Les montagnes sont vierges, isolées, avec un air frais et pur, une biodiversité intacte, un environnement parfaitement préservé. FAUX !
Nous sommes désolés d'apporter de mauvaises nouvelles, mais nos travaux montrent clairement qu'il existe une quantité énorme de molécules chimiques différentes dans les lacs de montagne. Sur les plus de 470 molécules que nous avons recherchées dans nos échantillons, nous en avons trouvé 141. 141 !!! Il s'agit d'une quantité massive de molécules différentes pour une zone présumée vierge et reculée, produisant un cocktail chimique sauvage. Chaque molécule a une toxicité différente, et la toxicité dépend aussi de la sensibilité de l'organisme... c'est tellement complexe qu'il existe plusieurs bases de données pour archiver cette quantité massive d'informations (par exemple la base de données NORMAN).
Dans notre étude récente intitulée "Complex chemical cocktail, containing insecticides diazinon and permethrin, drives acute toxicity to crustaceans in mountain lakes", nous montrons qu'il existe une très large gamme d'herbicides dans les lacs de montagne. Cependant, dans la plupart des cas, les concentrations restent faibles et, globalement, la toxicité chronique n'a pas été atteinte dans nos lacs d'étude. Malgré ces faibles concentrations, nous constatons un lien entre le nombre d'espèces de rotifères et la toxicité algale de ces molécules. Plus la toxicité est élevée, moins on trouve d'espèces différentes de ces minuscules espèces. Voilà pour les herbicides !
C'est une toute autre histoire pour les insecticides et autres polluants organiques dont la toxicité pour les petits crustacés est connue. La toxicité cumulée de ces composés s'ajoute à une toxicité CHRONIQUE et, dans certains cas et à certaines périodes de notre étude, elle dépasse même la toxicité AIGUEë pour les crustacés. Wow ! Des lacs de montagne isolés, mais pollués, et même très pollués. Nous parlons de petites concentrations, parfois seulement des nanogrammes (= 0,000000001 g). Cependant, ces molécules sont si toxiques que même à des concentrations aussi faibles, elles ont un impact sur les insectes ou les tuent, ou plus largement sur les arthropodes (insectes, araignes, crustaceans etc.). Or, dans nos échantillons, deux molécules jouent un rôle particulier : Le diazinon et la perméthrine.
Ces produits sont utilisés comme insecticides et insectifuges et sont à l'origine de la toxicité de nos lacs. Certains d'entre vous en mettent sur leurs chiens pour les traiter contre les puces, les agriculteurs en mettent sur le bétail pour le protéger des insectes suceurs, qui pourraient transmettre des maladies. La concentration de ces deux molécules dans nos lacs est étonnamment élevée et coïncide avec l'absence ou le nombre réduit d'individus crustacés dans le zooplancton de nos lacs. La concentration de ces deux molécules entraîne donc un changement dans la communauté planctonique d'eau douce, perturbant le fonctionnement de l'écosystème. Plus important encore, vous avez peut-être pensé que l'eau des lacs de montagne est potable.
Réfléchissez-y à deux fois maintenant... l'homme a atteint dans les lacs de montagne un niveau de pollution suffisamment élevé pour tuer les crustacés, et un cocktail aussi diversifié et complexe que celui observé dans notre étude peut avoir des effets imprévisibles sur la santé de tout autre organisme, y compris l'homme.
Rotifer (Lecane)
Crustacean (Chydorus)
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