Lorsque nous partons en montagne, nous y allons avec des objectifs bien précis en tête, c’est-à-dire collecter nos précieux échantillons et nos précieuses données, sur lesquels se baseront ensuite nos résultats scientifiques. Même si la tentation est parfois forte, nous n’avons malheureusement pas le temps de flâner, de nous reposer au bord des lacs, bref de jouer les touristes. Mais nous gardons les yeux et les oreilles bien ouverts, nous profitons des magnifiques paysages que nous offre la montagne et, souvent, nous avons la chance de faire des observations de faune et de flore qui nous enchantent. D’autant plus que Dirk et moi connaissons parfaitement les lieux, à force d’arpenter les mêmes sentiers pour échantillonner les mêmes lacs depuis près de 15 ans !
Quelques jours avant notre séjour à Cauterets, au détour d’une conversation, Nikola m’a rapporté ne pas encore avoir eu la chance de voir des marmottes en randonnée. Or, je connais justement des spots où l’on peut observer des marmottes dans la vallée du Marcadau… Et, parce que Nikola, Pauline et moi avons mis le réveil très tôt et sommes les premières à marcher sur le sentier, ce n’est pas une, mais bien 5 marmottes, à 5 endroits différents, que nous admirons tout au long de la journée du mardi 5 juillet (malgré la présence de notre accompagnatrice inhabituelle).
Le lendemain mercredi, nous nous levons encore plus tôt. Nous espérons avoir le temps de nous mettre en route avant l’arrivée de l’orage, mais le tonnerre gronde alors que nous plongeons nos cuillères dans nos bols de céréales, puis une impressionnante série d’éclairs déchire la petite ville sous une pluie battante. Tant pis, ce n’est que partie remise…
Le jeudi, nous sommes d’attaque pour terminer les prélèvements du gradient de Cauterets. L’orage a disparu, le soleil commence à peine à éclairer la vallée, quelques nuages parsèment encore le ciel bleu. Dans la montée à travers la forêt, une salamandre se promène sur le sentier, puis une autre et encore une autre. Trois salamandres adultes de belle taille. Une nouvelle espèce pour mes deux collègues ! Chaque amphibien est swabbé (frotté avec un écouvillon) pour s’assurer qu’il est indemne du champignon Batrachochytrium salamandrivorans, un pathogène venu d’Asia qui décime les salamandres aux Pays-Bas et en Belgique.
Juste avant de quitter la couverture des arbres, j’annonce à Pauline et Nikola que nous entrons dans une zone à isards. Nous en verrons peut-être quelques-uns, qui sait ? Nous nous remettons en mouvement silencieusement. J’ouvre la marche tout balayant des yeux les flancs de la montagne à la recherche des silhouettes des isards. Nous suivons la courbure de la piste et, d’un coup, le paysage s’ouvre devant moi. Je n’en reviens pas : deux isards sont en train de nous foncer dessus ! Lancés à pleine vitesse, ils courent l’un derrière l’autre sur le sentier de randonnée ! Ils sont si pressés qu’ils ne nous ont pas vues… Je me fige et prononce doucement « Hé, je suis là ! ». Les deux isards freinent des quatre fers, stoppent à seulement deux mètres de moi, nous contemplent d’un air mêlé de stupéfaction et de peur… avant de prendre la fuite dans le vallon. « Quand je vous disais qu’on verrait peut-être des isards, je ne pensais pas que ce serait aussi près ! »
Et la journée ne fait que commencer !
Nous dépassons le lac de l’Embarrat et rejoignons nos lieux d’échantillonnage. D’autres belles surprises nous attendent. Dans l’eau glacée de l’un des sites, nous découvrons (pour la première fois en cet endroit !) deux calotritons, les fameux euproctes des Pyrénées, un mâle et une femelle. Et tandis que nous travaillons sur le lac, tête baissée et mains dans l’eau, nous entendons les marmottes siffler, annonçant le danger. Un rapace passe au-dessus de nos têtes. « Qu’est-ce que c’est ? » demande Pauline. « Oh, un gypaète barbu ! ».
Décidemment, nous sommes gâtées !
Bilan de notre séjour à Cauterets :
5 marmottes
2 isards
2 calotritons
1 gypaète barbu
Plein, plein de têtards
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